Textes et Illustrations de
Jean-Luc CASAMIAM
de Toulouse.
LA GERBE
11 novembre 19…, Monument aux Morts de
Soual. Les Anciens Combattants sont là, avec toutes leurs médailles
multicolores. Presque tout le village est présent, pâle et souvenant, et debout
face aux noms gravés des tués de la Grande Guerre. Moi écolier, mon instit m’a
choisi pour déposer la gerbe. C’est une gerbe rouge. Je ne me souviens plus ce
qu’étaient ces fleurs (leurs formes ? leurs noms ?) sauf qu’elles
étaient rouges. Je porte un imper clair
acheté pour l’occasion. Je tiens la gerbe rouge tout contre moi et,
désastre ! la partie hypogastrique de mon imper s’en enrougit très vivement
et très visiblement !
Ainsi
je donnai mon sang à la patrie. Moi le fils de métèque, je devins français par
le sang versé.
(Le
25 janvier 2017)
MEDUSES
On signale des femelles pas loin d’ici,
précisément à la terrasse (ombragée) du Café
du centre ! Illico nous pissons
contre les murs et, pissant, nous dessinons des méduses sur les murs. Nous
pissons contre la devanture de l’épicerie. Nous pissons contre la vitrine de la
boulangerie. Nous pissons contre la façade du notaire. Nous pissons, etc.
C’est-à-dire à peu près partout.
La chaleur est exténuante, le ciel fauve,
la lumière rousse.
Enfin, pissant-pissant, tout-pissant,
nous arrivons au Café du Centre, Baou !
Les femelles ont disparu ! Illico nous refermons nos braguettes et nous
restons là, médusés, vagues et vaseux, sans parler, sans bouger, sans ciller,
et nous disant que nous n’avons de vraiment à nous que les méduses que nous
avons dessinées sur les murs de notre village. Notre signature de jeunes
chiens.
(Le
26 janvier 2017)
GUERRE
Au Chemin des Dames, sa jambe droite était
partie aux cent diables. Et sa gueule, la moitié gauche était partie aux
alouettes.
Tous les après-midi, il pilonnait de ses
béquilles la Rambla de Gaillac avec d’autres vétérans tout aussi amochés que
lui.
Ne parlaient que de leur guerre, la Grande
Guerre, la guerre de 14-18. Etaient dedans, n’en étaient jamais sortis, n’en
sortiraient jamais. Ils étaient LA GUERRE.
Moi, môme, je les observais toutes ces
moitiés de mecs et je demandais quand j’aurais droit à ma mienne guerre et
qu’est-ce que j’y perdrais comme membre et que ça m’empêcherait sans doute de
jouer au ping-pong. Définitivement. Zut alors !
(Le
23 janvier 2017)
Les vignettes sonores ont été choisies, pour Jean-Luc Casamiam, avec soin par S.O.D.A 2017.
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